Une exposition, jusqu’au 6 mai ; un livre, Forever

Endless Skies © Marios Fournaris

Marios Fournaris, photographe grec, présente à Analix Forever jusqu’au 6 mai 2025 sa deuxième exposition personnelle : « PERAMA Je me souviens », et un livre éponyme, que vous trouverez à la librairie Forever Livres. Dans le livre comme dans l’exposition, l’artiste se dédie entièrement à Perama : sa ville, sa vie.

Située à une trentaine de kilomètres d’Athènes, méconnue du grand public, comme effacée des radars du monde, Perama, où Marios Fournaris vit et travaille, témoigne pourtant d’une histoire mythique et d’un vaste potentiel culturel : c’est des hauteurs de Perama que l’empereur de Perse a assisté à la défaite de son immense flotte, coulée par la petite flotte grecque au fond du golfe saronique.

« C’est ici que je suis né et c’est là que je meurs »
– Marios Fournaris

Une solitude sous le prisme de la photographie

Dans le livre, Marios Fournaris présente ce qu’Alexandre Castant nomme « un autoportrait documentaire », et Barbara Polla, une « docu-fiction » de son lointain vécu de Perama. Comme un double portrait. Au cœur des photographies de Mario Fournaris, nous retrouvons une solitude constante, métaphoriquement représentée par le vide – celui de ce qui fut, de ce qui est, et de ce qui pourrait être. Ce vide se manifeste notamment par l’absence quasi totale de figures humaines. Aucun sujet vivant, ou presque, n’apparaît, à l’exception de quelques moutons dans un pré et d’un homme, seul, assis sur le toit d’une maison transformé en terrasse, entouré de pigeons.

Rythmés par les flux marchands et les allers-retours incessants des navires, les habitants – tout comme Marios Fournaris – semblent absorbés par un sentiment d’isolement, un silence intérieur persistant malgré le vacarme des ferries, des grues, des containers… Perama a fait de Marios Fournaris l’homme qu’il est et il continue de (re)découvrir sa ville, pas à pas, dans ses moindres détails, et de la « capturer », non pas telle qu’on la regarde habituellement, mais telle qu’elle est : une ville « sur-réaliste » par l’incroyables diversité de ses réalités.

The birds are my friends in the sky © Marios Fournaris

La solitude de l’artiste, intime, presque secrète, se veut toutefois partagée. Vécue au fil de ses marches silencieuses, elle devient une solitude habitée, confiée aux regards des spectateurs de ses photographies – et de ses vidéos. Marcher sur les pas d’autres hommes, que l’on ne voit pas, mais dont la présence se devine à chaque regard, dans un temps suspendu. Les objets rencontrés au cours des errances de Marios Fournaris deviennent les témoins de la vie d’aujourd’hui comme d’hier. Comme le souligne Jean-Philippe Rossignol, ils incarnent les rebuts du capitalisme, mais aussi les habitants eux-mêmes – vestiges d’instants vécus, fragments d’humanité. Une quille jaune abandonnée sur le sol, un toboggan rongé par le temps et l’usage – les photographies de Marios Fournaris instaurent un dialogue avec les textes du livre. Le spectateur, en contemplant ses clichés, imagine une narration de toute pièce et recompose le passé, dessine le présent et se voit à rêver l’avenir de Perama. Le lecteur, quant à lui, s’imprègne des souvenirs de Barbara Polla, des impressions de Jean-Philippe Rossignol et des mots de Marios Fournaris. Spectateurs et lecteurs, ensemble, déambulent dans les ruelles de Perama et partagent la mémoire d’un geste tendre – celui de Pavlos, tendant une orange dans le creux de sa main.

Industrial playground © Marios Fournaris

Un contraste saisissant entre nature et industrialisation  

Marios Fournaris mène un véritable travail documentaire. À travers ses photographies, il nous donne à voir la réalité brute de Perama, sans filtres. Entre tradition et contemporanéité, quiétude et vacarme incessant, la ville réunit, dans un même décor, deux mondes contrastés. Le spectateur, troublé, doit saisir l’ensemble du quotidien de Perama : ses yeux se posent sur de vastes collines baignées de couleurs chaudes alors que surgissent des grues immenses s’élevant dans le ciel nuageux. Ce déséquilibre spectaculaire et singulier fait partie de l’histoire de la ville, de son évolution, de sa continuité. Marios Fournaris nous dit : « La beauté est partout autour de moi : dans les chantiers navals, dans les fissures des maisons éventrées, dans la mer calme… ». L’artiste nous transmet toute la complexité de Perama, des paysages majestueux presque mystiques à l’industrialisation colossale se fondant sous un ciel aux humeurs changeantes. Perama vit, survit, au gré des bouleversements, et se transforme parfois soudainement.

The most cult house in Perama, incarne l’un de ces changements. Cette maison, à l’iconographie singulière et aux traits typiquement traditionnels, n’existe plus. Capturée sous les flocons tombants ­– exceptionnels à Perama – peu de temps avant sa destruction, elle fascine par ses couleurs vives et par son authenticité. Construite et détruite par la main des hommes, emblématique de l’architecture « bidon-ville » (ce que fut Perama des années 1920 aux années 1980), elle a laissé derrière elle un vide. Il en va de même pour cette autre maison, dont on ne distingue que l’empreinte. Elle aussi, surréelle, est peut-être destinée à s’effacer. Combien de temps lui reste-t-il ?

Au cours de sa quête de redécouverte et de ses longues promenades, Marios Fournaris a photographié les vestiges d’un temps qui n’est plus – devenant ainsi un mirage, un souvenir doux-amer. À Perama, chaque objet, chaque élément semble avoir trouvé sa place, comme s’il avait été naturellement posé là, au bon endroit. Pour les habitants, comme pour Marios Fournaris, ces maisons sont les symboles d’une époque, un fragment d’histoire, une réminiscence que rien ne peut effacer. Oublier ? Jamais. « Je me souviens »…

SHARING PERAMA, The beginning of hope…

Depuis 2017, SHARING PERAMA – projet artistique, culturel, écologique et social initié par Barbara Polla – a pour ambition de promouvoir l’art contemporain à Perama et pour Perama. Parmi les œuvres qui composent ce projet, l’installation lumineuse de Robert Montgomery, THE BEGINNING OF HOPE, occupe une place essentielle. De jour comme de nuit, ce message – inscrit au bout de la ville, surplombant le péage qui ouvre la voie vers Salamine et les îles du golfe Saronique, Égine, Poros… – s’adresse aussi bien aux habitants de Perama qu’aux « passants » (Perama vient de Perasma, le passage). L’espoir, qu’il se trouve devant ou derrière nous, est d’autant plus essentiel que l’avenir est incertain.

Œuvre de Robert Montgomery, artiste écossais, THE BEGINNING OF HOPE, installation lumineuse panneau led. Photographie par Marios Fournaris, artiste grec, de Perama en Grèce
The beginning of hope © Marios Fournaris

Un avenir périlleux, au prix de la santé de ses habitants. Comme l’explique Barbara Polla, ils subissent, depuis des décennies, les conséquences des activités industrielles et portuaires : eaux insalubres, émanations toxiques, … Face à cette réalité, SHARING PERAMA s’est donné pour mission de faire de ce lieu de passage un territoire culturel et vivant. Aujourd’hui encore, les familles se réunissent, les enfants jouent, et la vie tente de poursuivre son cours – au sein même de cet environnement toxique. Résistance, espoir, sensibilisation – Barbara Polla rêve d’un futur doré pour Perama, loin de la résignation quotidienne. Elle écrit : « L’eau est polluée et la baignade interdite à cause de la pollution. Mais qu’importe l’interdiction, les enfants de Perama se baignent joyeux dans l’été brûlant et jouent dans l’eau avec les chiens, accompagnés d’anciens nageurs émérites dont la peau semble du cuir et qui ne croient pas que la mer jamais puisse leur faire quelque mal que ce soit. »

The gate to underworld © Marios Fournaris

Ainsi, livre et exposition deviennent un voyage, où passé, présent et futur se croisent et se confondent. Le spectateur, combinant lecture et contemplation, entame un parcours singulier, à la fois visuel et cognitif. Quant à SHARING PERAMA, l’association poursuit sa quête et sensibilise à l’urgence de réhabiliter la ville et d’offrir à ses habitants un lieu de vie durable et sain.
Η ΑΡΧΗ ΤΗΣ ΕΛΠΙΔΑΣ – le début de l’espoir ?

Η ΑΡΧΗ ΤΗΣ ΕΛΠΙΔΑΣ © Marios Fournaris

Retrouvez PERAMA Je me souviens sur le site de BSN Press ou à la librairie Forever Livres
au 10 rue du Gothard, Chêne-Bourg

Pour commander le livre PERAMA Je me souviens : GOPE

Pour en savoir plus sur SHARING PERAMA : Sharing Perama // Prasinoperama

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